La Défense, premier quartier d’affaire d’Europe – ©Magistère DJC

Il y a une semaine, la Réserve fédérale des États-Unis a augmenté ses taux directeurs, afin de combattre l’inflation. En Europe, la question de l’augmentation générale des prix est tout aussi problématique. Avec un taux moyen de 10,1% en octobre 2022, les pays européens sont confrontés à une hausse jusqu’alors inégalée au sein de l’Union monétaire. Face à cela, la Banque Centrale Européenne met tout en œuvre pour se rapprocher de sa cible des 2%. Mais pour réduire cet écart, l’institution met en place une politique non-accommodante, dont le principal impact sera une récession impliquant une augmentation du chômage. Une mesure qui pose question.

Augmenter les taux directeurs, un outil indispensable pour lutter contre l’inflation

Au-delà d’une instabilité géopolitique, la guerre en Ukraine a instauré une forte tension économique en Europe. Depuis le mois de mars 2022, les prix du gaz ont atteint 2,5 fois leur niveau de 2021, d’après les chiffres officiels de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement. À tel point que pour Faith Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, « le monde connaît la première crise énergétique véritablement globale de son histoire ». Face à cette augmentation, à laquelle s’ajoute une hausse des prix des matières premières, les consommateurs et les entreprises sont directement impactés. Pour ces dernières, l’augmentation des prix semble être l’unique solution pour compenser leur perte de marge. En parallèle, depuis la crise de la Covid, le marché du travail européen se retrouve déstabilisé par une vague massive de démissions. De plus en plus d’employeurs peinent ainsi à recruter. Cette pénurie offre aux travailleurs un pouvoir de négociation salariale accru. Ainsi, l’inflation initialement importée d’Ukraine se transforme en inflation sous-jacente, c’est-à-dire liée à l’activité économique.

Pour lutter contre ce phénomène qui risque de créer une boucle inflationniste intenable, la Banque Centrale Européenne dispose de plusieurs outils. Parmi eux, le canal des taux demeure le plus utile car il touche directement les ménages et les entreprises. En effet, en augmentant son taux directeur, la BCE peut impacter différents secteurs, dont le marché du travail. Pour Emeric Durand, économiste pour la société experte en assurance crédit COFACE, « le premier combat de l’institution est de casser la boucle prix-salaire. Pour cela, elle cherche à diminuer les tensions présentes sur le marché du travail, qui ont émergé après la Covid. Concrètement, il faut créer plus de chômage. Il faut créer une récession. C’est le seul moyen d’endiguer cette spirale ».

2 %, une cible contestable aux conséquences néfastes 

En clair, la Banque Centrale Européenne est en passe de créer une récession pour maintenir cette cible de 2%. Une décision forte de conséquences. Tout d’abord, plusieurs entreprises se retrouveraient dans l’incapacité d’employer ou de renouveler certains postes. Bien que pour Patrick Arthus, conseiller économiste pour l’établissement financier Natixis, l’augmentation du chômage ne devrait représenter qu’un ou deux points de pourcentage, cela concerne tout de même des milliers de personnes exclues des bienfaits de la croissance. Cette récession poserait problème pour les États. Un accroissement du nombre de chômeurs représentant une dépense supplémentaire dans les allocations chômage. Les gouvernements se passeraient bien de cette nouvelle difficulté. En effet, avec l’augmentation des taux, le coût des obligations d’État françaises est passé de -0,4 % en janvier 2021 à 2,4 % en juin 2022.

Par delà les conséquences, la lutte globale pour une cible d’inflation à 2% est elle aussi source de questionnement. Depuis la crise de la Covid, la prise de conscience écologique n’a jamais été aussi répandue. Pour 84% des Français, il est même aujourd’hui nécessaire de mettre en œuvre la transition écologique. Or, elle est par nature inflationniste. Une raison supplémentaire et primordiale pour remettre en cause cette lutte effrénée pour une inflation contenue à 2%.

Arthur Jégou