Cassandre Onteniente nous présente ses photos souvenirs ©Magistère DJC

À l’occasion des 104 ans de l’armistice du 11 novembre 1918, Cassandre Onteniente, lauréate du prix Vimy-Beaverbrook en 2018, nous rappelle l’importance du devoir de mémoire. En revenant sur les moments marquants de ce programme mémorial organisé par la fondation canadienne Vimy, la magistérienne souhaite avant tout sensibiliser les plus jeunes sur l’intérêt mémoriel du souvenir. Un point qu’elle considère fondamental.

En 2018, Cassandre Onteniente découvre l’existence du prix Vimy-Beaverbrook en surfant sur les réseaux sociaux. “Au début, je n’y croyais pas. Une fondation canadienne qui permet à une quinzaine de jeunes de partir chaque année pendant deux semaines pour étudier l’histoire commune de leurs pays durant les Première et Seconde guerres mondiales, j’ai trouvé ça incroyable. Pourtant, après quelques recherches, j’ai compris que c’était sérieux”, se rappelle-t-elle en souriant. Passionnée d’histoire contemporaine et fortement intéressée par le devoir de mémoire, la jeune lycéenne de première au lycée Pierre Bourdieu de Fronton décide de tenter sa chance. Lettre de motivation, CV, essai sur une œuvre d’art ou encore dissertation sur le stress post-traumatique, la sélection est rude pour devenir le seul étudiant français de l’année à obtenir son ticket d’entrée. Poussée par Fabrice Pappola et Benjamin Besnard, ses anciens professeurs d’histoires, Cassandre se lance avec une grande motivation : “le soutien de mes anciens professeurs a été primordial. Ils m’ont transmis leur passion pour l’histoire contemporaine, en particulier les guerres mondiales. Nous avions longtemps échangé sur mon projet d’intégrer le programme de la fondation Vimy, nous passions de long moments à en discuter après les cours. Comme je buvais leurs paroles, j’étais bien informée sur le sujet et je souhaitais le découvrir encore davantage”. Après avoir reçu une réponse positive quelques mois plus tard, Cassandre décolle en août 2019. Son voyage mémoriel de deux semaines débute à Londres par la visite de l’Imperial World War Museum et du Churchill War Room, avant de s’étendre à l’université d’Oxford pour assister à des conférences. Enfin, les participants se rendent en Belgique et en France où sont organisées des visites d’immenses cimetières, de musées mais aussi de champs de bataille. Bien loin de simples visites explicatives, les 16 participants ont profité de ce séjour pour se plonger de manière personnelle dans l’intimité et le quotidien des soldats de l’époque. Un programme enrichissant dont l’intensité émotionnelle a complètement transformé le rapport entre la jeune lycéenne et le devoir de mémoire. 

Se confronter à la dure réalité de la guerre pour ne jamais oublier

Lorsqu’elle fait face au mémorial de Vimy pour la première fois, le souffle de Cassandre se coupe. En découvrant les noms de soldats tués inscrits sur son socle, la voici confrontée à l’immensité de la guerre. “Je ne m’attendais pas à ce que ces visites me glacent autant le sang”, se rappelle-t-elle avec émotion. “À ce moment-là, je me suis retrouvée nez à nez avec mon devoir de mémoire. Malgré toute la froideur environnante j’ai trouvé une certaine beauté à me dire que cet endroit avait été très bien conservé et qu’une superficie si importante lui avait été attribuée. J’ai compris l’importance de mettre en avant la force et le courage de ces personnes décédées pour sauver leur patrie”. 

Pour Cassandre, le devoir de mémoire revêt également une dimension psychologique. Se plonger dans l’intimité des soldats et découvrir leur quotidien permet de mieux imaginer les conditions difficiles dans lesquelles ils vivaient. “Lorsque nous avons visité l’Imperial World War Museum, j’ai été frappée par de nombreux objets. Je me rappelle tout particulièrement d’une moulure en plâtre utilisée pour reconstruire le visage d’un soldat blessé au front. Au-delà de leur valeur symbolique, c’est toute leur authenticité qui est marquante. Elle permet d’imaginer plus concrètement leur quotidien, leurs difficultés. J’ai également assisté à des conférences à l’Université d’Oxford sur les lieux mémoriaux et la propagande de guerre. Ces thématiques illustrent des aspects très peu enseignés en France. Elles permettent de façonner la mémoire par un autre prisme”.

En plus des visites, c’est aussi par le biais de travaux personnels que le programme de la fondation Vimy met en avant le devoir de mémoire. “Lorsque nous étions en France, nous avions chacun un soldat sur lequel nous devions écrire un texte, puis le lire devant sa tombe ou un lieu mémoriel. Certains ont opté pour des poèmes, d’autres pour des chansons. Ces moments étaient très riches en émotion. Pour l’un de mes camarades canadiens, elle fut très particulière puisque le soldat en question n’était autre que son grand-père”. Face à ces moments de recueillements baignés de larmes, Cassandre s’est rendu compte de l’importance de ne pas oublier pour ses homologues étrangers. Un rapport qui lui semble bien éloigné de celui des Français.

Si elle n’avait comme référence que ses cours d’histoire du lycée et n’avait jamais entendu parler de la bataille de Vimy, les 14 canadiens présents à ses côtés étaient beaucoup plus sensibilisés. « Pour les Canadiens, cette bataille a l’importance de celle de la Somme en France », affirme-t-elle. Beaucoup plus attachés au concept de mémoire que les Français, ils vivent cet instant comme une rencontre solennelle avec leurs ancêtres. « Nombre d’entre eux pleuraient alors que les batailles se produisaient à des milliers de kilomètres de leur pays. Leur devoir de mémoire est sacré tandis que chez nous, il se perd de plus en plus », déplore Cassandre.

Un devoir de transmission

À l’issue de ce programme intense, Cassandre a souhaité partager son expérience avec le plus grand nombre. La lycéenne a donc multiplié les discours de sensibilisation. Avec comme maxime la citation de Simone Veil : “transmettre la mémoire de l’Histoire, c’est apprendre à se forger un esprit critique et une conscience”, Cassandre s’est aussi régulièrement adressée à un jeune public par des présentations dans son lycée. Pour elle, le devoir de mémoire est aujourd’hui primordial, en particulier face à une forme de banalisation de la guerre, notamment depuis l’explosion des jeux vidéo. « Ces discours me permettent de les sensibiliser sur ce point. J’aime aussi faire découvrir la fondation qui est très peu connue alors qu’elle est soutenue par le gouvernement français, et entièrement financée. C’est une opportunité incroyable qu’il faut saisir ».

Camille Arias et Arthur Jégou