© Colombe Laferté

Jeudi matin, la faculté de droit et de science politique d’Aix-en-Provence a reçu une menace d’alerte à la bombe envoyée par e-mail, d’après une source policière. À la suite de cette alerte, les étudiants sur le campus ont été évacués immédiatement, et les forces de l’ordre sont intervenues pour sécuriser la zone. Tous les campus ont alors été fermés pour la journée. Retour sur cet événement à travers le ressenti de plusieurs témoins, qui ont vécu l’alerte de l’intérieur.

 

Yung Ching, 21 ans, étudiante issue d’un programme d’échange avec Taïwan

« C’est avant d’entrer dans le campus que j’ai reçu un message de ma professeure. Elle nous demandait de rester à l’extérieur. J’ai d’abord eu du mal à comprendre. Puis un agent de sécurité m’a empêchée de rentrer dans le bâtiment en m’expliquant qu’il y avait eu une alerte à la bombe. À ce moment-là, j’étais vraiment anxieuse. À Taïwan, il y a souvent des alertes en cas de tremblements de terre. Là-bas, il y a des procédures de sécurité, mais ce n’est pas aussi sérieux que ça l’était à la fac. Ce n’est jamais d’une aussi grande envergure. Cette fois, l’ensemble du campus était fermé toute la journée, alors que d’où je viens, la fermeture en cas d’alerte de tremblements de terre ne dure que quelques heures. En France, je m’attendais à des grèves, mais jamais je n’aurais pu imaginer tout cela à l’université. Comme ça, près de moi. C’est tellement grave. Je veux dire, la guerre c’est loin, mais de voir ça si proche… ».*

* Traduit de l’anglais

 

René, 62 ans, cuisinier responsable du Restaurant Universitaire de droit de la faculté de droit et science politique d’Aix-Marseille

« J’étais ici pour la mise en place du service de la journée lors de l’alerte à la bombe. Les étudiants sont d’abord venus nous alerter, puis la sécurité est arrivée. Nous avons donc évacué les locaux, mais je ne suis pas rentré chez moi, car la marchandise était sortie pour l’ouverture, à 11h30. Quand l’alerte a été levée, cinq autres membres du personnel et moi sommes retournés ici pour protéger l’arrivage, car cela refroidit en moins de deux heures. Grâce aux cellules de refroidissement, nous avons pu minimiser les pertes et conserver la marchandise pour le service suivant.

« C’est la première fois qu’un tel événement se produit ici. Je travaille au CROUS depuis 1982 et suis sur ce site depuis 2005, et ça n’était jamais arrivé. Mais l’alerte à la bombe ne m’a pas fait particulièrement peur : ça se passe partout en ce moment, il n’y a qu’à voir le nombre d’évacuations du château de Versailles ».

 

Anna, 20 ans, étudiante en L3 de droit à la faculté de droit et science politique d’Aix-Marseille

« J’avais cours à Montperrin et j’ai reçu un message dans le groupe WhatsApp de ma division disant que le site de Schuman était fermé pour cause d’alerte à la bombe. Au début, on n’y croyait pas parce qu’il y a beaucoup d’alertes à la bombe en ce moment. Ensuite, la professeure nous a parlé et on a compris que c’était vrai. Je n’étais pas plus inquiète que ça, pensant que c’était fermé par prévention et que c’était une fausse alerte. L’alarme a alors sonné, tout le monde a été évacué et il n’y a pas eu de mouvement de panique. Au contraire, la plupart des gens étaient contents de rentrer chez eux pour travailler, ou juste de ne pas avoir cours. J’étais quand même un peu déçue parce que les cours ratés vont devoir être rattrapés pendant les semaines de rattrapage, ce qui est un peu embêtant ».



Florence, 49 ans, magasinier – bibliothécaire à la bibliothèque Schuman de la faculté de droit et science politique 

« J’étais dans mon bureau à la bibliothèque au moment où l’on a été prévenu de l’alerte à la bombe. En réalité, il n’y a eu aucune alarme sonore, on a seulement été alerté par des collègues, puis on a passé le message aux autres à notre tour. C’était vraiment du bouche à oreille. Nous n’avons eu aucune communication de la direction. Les élèves ont été évacués dans le calme après avoir pris leurs affaires. Personne n’a paniqué, certains ont même pensé que c’était un exercice, j’en suis certaine.

« Pendant un petit peu plus de deux heures, nous avons attendu que la bibliothèque rouvre. Les pompiers et les démineurs étaient présents sur place. Le campus a été fermé toute la journée, mais vers quinze heures, nous avons reçu un message du Président d’Aix-Marseille-Université nous rassurant sur la réouverture des sites le lendemain ».



Raphaël, 20 ans, étudiant en L3 de droit à la faculté de droit et science politique d’Aix-Marseille

« J’étais en cours de droit social et, à la pause, tout le monde a commencé à s’agiter. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu du monde courir pour sortir de la faculté. Sur le moment, je n’ai pas compris ce qu’il se passait jusqu’à ce que des filles viennent nous avertir qu’il y avait une alerte à la bombe : il n’y a pas eu de sonnerie d’avertissement pour nous prévenir du danger. Nous sommes tous descendus et nous sommes sortis du site Schuman. Je me suis alors retrouvé au milieu de centaines d’étudiants sur le bord de la route. J’ai reçu comme consigne de rentrer chez moi car les cours n’étaient pas maintenus pour le reste de la journée. Cette alerte ne m’a pas fait spécialement peur, mais évidemment, j’ai été surpris. Quand j’ai entendu l’alerte à la bombe, j’aurais dû avoir peur mais avec toutes les fausses alertes ces derniers temps, je me suis dit que ça devait en être une aussi ».



Alexis, 26 ans, chargé d’enseignements à la faculté des Sciences sur le campus de Montperrin 

 » J’étais en plein cours lorsque j’ai appris qu’il y avait une alerte à la bombe. Lors de la pause, des étudiants sont venus me prévenir de la nouvelle. Personnellement, j’ai pris ça très au sérieux tout en me disant que c’était probablement un exercice. Les étudiants étaient assez dissipés et ce n’était pas facile à gérer. J’essayais de me rassurer en pensant que c’était sûrement un canular. Cependant, il faut toujours rester vigilant, voire méfiant par rapport à ce qui pourrait arriver. Les élèves ont quitté les lieux vers 8 h 50. De mon côté, j’ai aussi évacué les lieux. Je suis tout de même resté aux alentours puisque je ne savais pas si c’était un exercice ou s’il s’agissait d’une vraie alerte. Je pensais que cette journée de travail allait reprendre son cours. Finalement, j’ai appris que ce n’était pas un exercice. Là, ça m’a légèrement fait froid dans le dos. Le compte Instagram de la faculté de droit avait annoncé qu’il n’y aurait plus cours pour la suite de la journée. J’espère que l’on sortira de ce contexte oppressant d’ici peu, car ces événements rajoutent énormément de pression ». 



Ahmed, 43 ans, agent de sécurité de la faculté de droit et science politique d’Aix-Marseille

« En premier lieu, la police a averti notre responsable de la sûreté de la présence d’une potentielle bombe sur le campus de Lettres. L’information s’est très vite répandue au sein du réseau de sécurité de la faculté. Dès lors, on m’a demandé d’appliquer les consignes et d’évacuer tous les étudiants présents. Les élèves semblaient calmes, ils n’ont pas paniqué et, comme le personnel, ils ont gardé leur sang-froid jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre. L’intervention de la police a duré trois heures mais j’ai dû rester sur le site avec mes collègues, pour nous assurer que personne ne rentre jusqu’à 18 heures. Le dispositif de sécurité a été appliqué correctement alors que ces situations sont rares. Ça fait neuf ans que je suis à ce poste et c’est la première fois que je dois gérer une situation d’urgence comme celle-là ».

 

Léna, 20 ans, étudiante en droit en L2 à la faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille

« J’étais en cours de droit des finances dans l’amphithéâtre Portalis, et vers neuf heures, un homme a débarqué et a dit au professeur que nous devions évacuer car il y avait une alerte à la bombe. Après son annonce, les gens se sont rapidement levés, il y avait une sorte d’affolement général. Nous sommes vite partis et nous avons été regroupés devant la fac. Nous avons reçu la consigne de nous éloigner davantage, puis nous sommes rentrés chez nous. En fait, nous ne savions pas si c’était un canular ou si c’était vrai. Encore aujourd’hui, je ne sais pas si c’était une véritable alerte, je n’ai aucune nouvelle ».

 

Propos recueillis par  Hortense Stock, Louis Langlois, Victor Giat, Vincent Giely, Massyl Benelhadj, Colombe Laferté et Dèlio Grach