Depuis 2007, Bibliothèques Sans Frontières (BSF) cherche à développer l’accès à la connaissance, à la culture et à l’information auprès des publics vulnérables. En février, elle l’a fait sous une nouvelle forme : un tournoi de jeux vidéo organisé dans le camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie.
« C’est une première dans l’histoire humanitaire », déclare Barnabé Louche, Directeur des partenariats et de la communication au sein de Bibliothèques Sans Frontières. Et qui peut lui donner tort ? Les jeux vidéo sont souvent vus comme violents ou débilitants, et pourtant ils sont le bien culturel le plus populaire au monde : « les jeux vidéo font partie de la bibliothèque, c’est le bien culturel le plus consommé au monde. Pourquoi ils ne pourraient pas être proposés à des enfants réfugiés ? Ils ont autant besoin de jouer et rigoler à travers les jeux vidéo que les autres enfants ». Car si en pensant à une bibliothèque nous avons tous en tête un meuble contenant des livres ou des jeux de société, elle peut tout aussi bien être numérique, au travers de vidéos, de documentaires… et, donc, de jeux vidéo.
Du 26 janvier au 1er février, 200 joueurs âgés de 10 à 18 ans ont donc participé à ce tournoi organisé dans le camp de réfugiés syriens de Zaatari. Situé à vingt kilomètres de la frontière syrienne, il compte 70 000 personnes, dont près de 40 000 enfants et adolescents. Les joueurs et joueuses ont pu s’entraîner pendant deux mois et demi en vue du tournoi. Les consoles, fournies par Sony, partenaire de l’événement, sont arrivées sur place en novembre. Deux salles d’entraînement ont été mises en place, auxquelles les participants du tournoi ont eu accès, le tout encadré par des ONG déjà sur place et des réfugiés recrutés et formés pour les accompagner. Trois différents tournois ont eu lieu : un pour les 10-14 ans, un pour les 15-18 ans et enfin un dédié aux jeunes filles. Le choix du jeu paraît lui comme une évidence : « nous avons choisi FIFA, du fait de notre partenariat avec l’UEFA et parce que le foot est un sport universel ».
Pour Jémérie Amzallag, plus connu sous le pseudonyme Torlk, cette action a pu faire une « promotion positive du jeu vidéo, le démocratiser sous un prisme social ». Joueur esport, streamer et youtubeur, il est également le vice-président d’ArmaTeam, qui participe à faire vivre l’esport en France par le biais d’événements et de tournois autour des jeux vidéo. La Refugees Esport Cup est née d’un « dîner avec Patrick Weil (Président de BSF), qui est un ami, où l’on a évoqué l’idée de lier nos deux univers ». Une discussion vieille d’un an et demi car pour des raisons de budget, de sécurité et d’autorisations, le projet a été difficile à mettre en place. Mais il a finalement vu le jour, organisé par Bibliothèques Sans Frontière et la Fondation UEFA pour l’enfance et soutenu par Facebook, ArmaTeam et Sony.
Pour Torlk, ce tournoi était un moyen de « pousser l’association BSF, que je connais et qui me tient à cœur, mais également sur un plan personnel de travailler avec des enfants, qui plus est des enfants à l’autre bout du monde ». Des enfants pour qui cet événement a beaucoup apporté. Car s’ils ont ce qu’il faut pour vivre au sein du camp, le « principal fléau est l’ennui. Ils vont à l’école mais à part ça ils n’ont pas grand-chose d’autre à faire. On a pu voir qu’ils ont tous été ravis de participer à ce tournoi ».
Après une semaine de compétition et 250 matchs joués, Fahid et Mohamad dans les catégories 10-14 ans et 15-18 ans, et Sham dans le tournoi féminin, sont sortis vainqueurs de la Refugees Esport Cup. Le but est maintenant de reproduire cette action dans d’autres camps. Bibliothèques Sans Frontière travaille déjà sur un nouveau tournoi, au Bangladesh cette fois, qui pourrait voir le jour en juin prochain, avec la même volonté : faire des jeux vidéo un vecteur de cohésion sociale.
Hugo Chirossel
Ci-dessous, l’aftermovie de l’événement :