Anonymous for the Voiceless est une association défendant le droit des animaux. Abolitionniste et antispéciste, les militants organisent des actions afin de sensibiliser le grand public à la souffrance animale. Rencontres.
Strasbourg, 19 heures passées. Ils sont 5, debout et dos à dos. Ils portent le fameux masque des hackeurs qui avaient fait trembler le net il y a quelques années. A bout de bras, ils tiennent chacun un ordinateur. Sur les écrans, défilent des images d’animaux marins dans des filets de pêche, ou éviscérés. Elles rappellent celles qu’on peut voir sur le site de l’association L214. Les poissons, crabes et crevettes diffusés sur les écrans interpellent les badauds surement peu habitués à voir ce type d’animaux défendus par les associations animalistes. Voilà le but de la manifestation du jour. « On parle des animaux terrestres, mais très peu des animaux marins » déplore Bjorn. Lui ne porte pas de masque. Son rôle est d’interpeller les curieux. Dès qu’il aperçoit une personne interloquée, qui ralentit le pas, Bjorn entame une conversation. L’étudiant suédois à l’accent marqué débute toujours par la même accroche : « bonjour, vous savez qui nous sommes ? ». Souvent, la réponse est négative mais elle permet à l’activiste de rebondir. Des fois les conversations se soldent au bout de 2 minutes, des fois après 40 minutes de débat.
« Je préfère un géant comme Mcdo qui, au moins, n’est pas hypocrite »
Anne-Lyse et Louise sortent du Mc Donald situé à proximité de l’action. Elles s’arrêtent devant les images des Anonymous for the Voiceless et commencent à échanger avec Bjorn. Très vite Anne-Lyse coupe le militant. « Lorsque vous utilisez le mot « personne » et « individus » pour parler des poissons, c’est fait exprès ? ». Bjorn confirme que même si son accent peut laisser penser à une approximation de vocabulaire, il utilise ces termes en connaissance de cause. Anne-Lyse, étudiante en droit, grimace. Pour elle, la résonnance du mot est « sacré ». Elle explique à Bjorn manger de la viande et ne pense pas pouvoir « faire autrement ». Le Suédois rétorque qu’il se nourrit exclusivement de légumes depuis bientôt 4 ans et qu’il ne connaît aucun « problème de carence ». Louise prend la parole et se dit consciente de la souffrance animale. Elle indique préférer manger une viande locale qu’industrielle. « Mais quelle est la différence ? La finalité est la même. Je préfère un géant comme Mcdo qui au moins n’est pas hypocrite plutôt qu’un agriculteur qui dit aimer ses bêtes mais finit par les tuer », rebondit Bjorn.
« Pour vous, une sardine et un humain, c’est donc la même chose ? »
Quant aux poissons, les deux jeunes femmes sont dubitatives. Bjorn leur expose une « étude menée par l’université d’Oxford qui démontre que les poissons, d’un point de vue neurologique, ressentent la douleur au même titre que les humains ». Anne-Lyse commence à s’indigner : « pour vous, une sardine et un humain, c’est donc la même chose ? ». En guise de provocation, l’activiste répond sourire aux lèvres : « et pourquoi pas ? ». Puis reprend plus sérieusement : « j’essaye juste vous démontrer que faire du mal à un poisson ou à un chien revient à la même chose. Il n’y a pas un animal qui mérite plus de souffrir que l’autre ».
Après 30 minutes de débat, la conversation se clôt. Loin d’être prêtes à devenir véganes, les deux étudiantes reprennent leur chemin en se posant tout de même des questions. « J’ai apprécié être accostée calmement et avec pédagogie comme aujourd’hui. Je reproche aux militants végans d’être trop virulents. Ça me bloque ».
Anonymous for the Voiceless est désormais une association internationale. Et à Strasbourg, Bjorn estime que cette première action constitue « un succès à réitérer ».
Inès Ajbali