Dernière ville symbolisant le pouvoir du califat, Raqqa est tombée après quatre mois de combats. Si cette chute marque la fin de l’État Islamique sur le plan territorial, elle ne signifie pas pour autant la fin de l’organisation.
Mardi 17 octobre, après une nuit de combats dans l’Hôpital national syrien où s’étaient retranchés vingt-deux jihadistes, Raqqa est tombée. L’ancienne capitale de l’État Islamique est la dernière grande ville à avoir été reprise, après la chute de Mossoul en juillet dernier. Si le califat possède toujours une partie de la province de Deir-Ezzor, ainsi que plusieurs villes le long de l’Euphrate où les jihadistes se sont réfugiés, cette chute signe la fin de l’EI sur le plan territorial. Mais cette disparition du territoire ne signifie pas pour autant la fin de l’organisation.
En effet, le califat risque de se transformer en organisation clandestine, et semble vouloir se réorganiser en mouvement de guérilla. Cela s’était déjà produit en 2007, quand l’État Islamique d’Irak avait été vaincu, pour revenir au premier plan en 2013. Ainsi, l’organisation souhaite profiter des tensions locales pour se renforcer. Différentes forces sont présentes sur place et cherchent à obtenir le pouvoir. Le régime syrien, d’abord, ne semble pas capable de contrôler la ville qui lui échappe. Ainsi, les Kurdes, principaux acteurs de la reprise de Raqqa, déclarent vouloir mettre en place un conseil civil de gouvernance formé de la population arabe pour diriger la ville et la reconstruire. Les Arabes sunnites avaient soutenu l’EI en 2014 dans sa prise de pouvoir, car ils n’étaient pas représentés politiquement.
Cependant, les Kurdes voudront certainement des dédommagements politiques pour leurs pertes. Ainsi, le conseil civil, censé être dirigé par des Arabes, qui constituent 99% de la population sur place, risque d’être en réalité soumis aux Kurdes. C’est déjà le cas à Manjib, ville arabe reprise par les forces kurdes FDS en août 2016. Les FDS avaient annoncé qu’elle serait gouvernée par un conseil civil, formé par des chefs locaux. Or, en réalité, ce conseil est resté sous l’emprise des Kurdes. De plus, les FDS, en charge de reprendre le contrôle de Raqqa, dépendent du PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan), une organisation considérée comme terroriste par les États-Unis. Le conseil civil composé d’Arabes et de Kurdes risque donc d’être conflictuel et de créer une instabilité qui pourrait favoriser le retour de l’État Islamique. Ainsi, malgré les apparences, l’organisation est loin d’avoir dit son dernier mot.
Hélène ANDOLFATTO