Treize ans après son dernier film, Francis Ford Coppola revient avec Mégalopolis, production ambitieuse au budget de 120 millions de dollars, présentée comme l’œuvre la plus personnelle et spectaculaire de sa carrière.

« Une fable » centrée sur une ville futuriste descendante de l’Empire romain. À 85 ans, Coppola fait son retour. La cité de New Rome aux États-Unis est tiraillée entre la vision conservatrice, pragmatique, de son maire Franklyn Cicero (joué par Giancarlo Esposito) et celle créative, ambitieuse et progressiste de l’architecte de génie César Catalina (joué par Adam Driver). Cette société démocratique se trouve au bord du point de rupture et mène une lutte intestine sur fond de décadence et de débauche, rappelant les bacchanales romaines. C’est dans ce contexte que Catalina a l’ambition de créer une œuvre d’art éternelle, un « Eden » au milieu de New Rome grâce au matériau révolutionnaire qu’il a créé : le mégalon. La cité doit changer et évoluer pour s’adapter aux besoins de ses habitants mais toute la question du film est de savoir comment y parvenir.

Cette « épopée romaine moderne » à l’esthétique psychédélique offre au spectateur une mise en scène créative, originale voire théâtrale, où chaque séquence illustre une idée du cinéaste. Il s’agit d’une œuvre pensée dans le détail avec de nombreux symboles. De certains dialogues en latin, jusqu’au modèle de la muse, en passant par des citations de Marc-Aurèle et Pétrarque, Mégalopolis se veut une fresque grandiose et épique. Symbole de la chute d’un empire qui se considère comme le centre du monde à l’instar de la Rome antique.

Un blockbuster accueilli en demi-teinte

L’ambition narrative de Coppola ne convient cependant pas à tout le monde, et l’œuvre divise. « On a peu de retours sur ce film, mais une chose est sûre, plusieurs personnes quittent la salle en cours de séance », confie le personnel du cinéma Le Renoir à Aix-en-Provence.« Il ne semble donc ne pas faire l’unanimité. Soit on aime soit on déteste ».  
Certains spectateurs dans la salle viennent plutôt par curiosité après avoir lu des critiques très partagées : « Ça a l’air d’être un film grand spectacle mais on se demande vraiment ce que ça va être, on ne sait pas ce qui nous attend ».
Le public est donc déstabilisé par cette œuvre expérimentale, aux multiples intrigues et au rythme effréné. C’est ce dernier point qui pousse des personnes à quitter la salle « L’œuvre est très dense et difficile à suivre, on se demande ce qu’on fait là et ce qu’on regarde »

D’autres spectateurs qui restent jusqu’au bout de la projection affirment être venus car Mégalopolis est avant tout une œuvre testamentaire « Nous sommes venus par hommage à Coppola, nous avons vu beaucoup de ses films et celui-ci étant sûrement son dernier ça nous tenait à cœur de le voir en salle ». « C’était son plus grand rêve artistique, c’est un film qui a eu tellement de difficultés à voir le jour qu’on souhaitait aller le voir ».

Réalisateur phare des années 70 avec des succès, autant publics que critiques, tels qu’Apocalypse Now, la trilogie du Parrain ou encore Dracula, Coppola a marqué l’histoire du cinéma. Pour autant, il n’a fait aucun film rentable depuis une trentaine d’années ce qui a effrayé les studios qui ont refusé de le financer. Le cinéaste a alors hypothéqué son vignoble californien pour subvenir aux coûts de production. Ce choix a été payant, puisque le film a été projeté pour la première fois lors du Festival de Cannes en mai 2024 en compétition officielle, mais n’a remporté aucune récompense.
Longtemps placé dans la catégorie « projets avortés de grands cinéastes », l’œuvre n’est pas sans rappeler le Don Quichotte de Terry Gilliam sorti en 2018, tant par les problèmes de tournage rencontrés, que par la projection à Cannes et par Adam Driver en tête d’affiche. Le rêve de Gilliam s’était soldé par un échec public et critique, et il donc n’est pas resté dans les mémoires, si ce n’est pour son tournage catastrophique et ses retards de production.

Sorti depuis le 25 septembre, il est d’ores et déjà possible d’affirmer que le film ne sera pas un succès commercial. Pour autant, il reste encore à déterminer si on se souviendra cette expérience cinématographique pour son scénario singulier ou pour sa genèse semée d’embuches. Un film à voir pour se forger son propre avis et qui, quoi qu’il en soit ne laissera pas indifférent.

Marianne Courbon