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À Aix-en-Provence, le Musée Granet fait office de pionnier dans l’art numérique. L’exposition « Sphère Code Cylindre » s’est tenue dans les salles d’expositions temporaires de l’institution du 6 janvier au 5 mars 2023. Elle a en effet été prolongée de six semaines pour répondre à l’enthousiasme des visiteurs curieux de découvrir cette exposition. L’institution culturelle aixoise nous l’a prouvé : un musée peut désormais apprivoiser le web 3.0 pour former son propre portefeuille d'œuvres d’art numériques.
Le célèbre musée des beaux-arts, d'archéologie et d'art décoratif d’Aix-en-Provence a choisi de laisser sa chance au numérique. L’exposition « Sphère Code Cylindre » réunit les œuvres de huit artistes spécialistes de l’art numérique et contemporain. Delphine Ract Madaux, commissaire de l’exposition et historienne de l’art explique qu’elle a « souhaité travailler avec quatre artistes qu’[elle] connaissait et quatre artistes locaux qui viennent de l’École d’Art d’Aix-en-Provence ».
Les huit productions présentées touchent des domaines et défendent des causes précises. Comme les peintres de l’art traditionnel à travers les siècles, les installations numériques de ces artistes dénoncent des problématiques qui touchent la plupart d’entre nous à l’heure où Internet occupe une place prépondérante dans nos quotidiens. L'œuvre “Follow The Green Rabbit” de Paul Rauze, présente l’image d’un matelas posé au sol dans une chambre vide. L’artiste explique que cette pièce pourrait appartenir à un jeune étudiant qui a vendu tous ses meubles et mis ses économies dans une crypto-monnaie ou celle d’un « geek » cryptomillionnaire, déconnecté du réel au point de ne pas avoir aménagé son propre espace de vie. Une explication qui prend sens dans un monde où chacun est constamment alerté sur les dangers de l’addiction aux écrans et aux jeux vidéo.
« Les dispositions numériques permettent d’apporter un regard critique. Dans son installation, Paul Rauze exprime la notion de solitude, une thématique universelle également traitée dans l’art traditionnel. Mais ce qui est paradoxal, c’est qu’il aborde la solitude alors que la notion de communauté est très importante dans le web 3.0 et les cryptomonnaies ».
Alliant le logiciel de tableur le plus célèbre et un esprit artistique omniprésent, Cédric Caprio revisite Excel. Dans son œuvre « Tableurre », il représente des paysages réels ou extraits de peintures déjà existantes sous la forme d’un impressionniste 2.0. Son art reprend ce mouvement pictural voulant que les couleurs d'une peinture ne soient pas mélangées sur la palette mais apposées les unes à côté des autres laissant à l'œil faire lui-même son travail de mélange. En choisissant une couleur pour chaque case du tableur, l’effet Cédric Caprio est réussi.
Le 6 janvier 2023, le Musée Granet a enfin ouvert ses portes à l’art numérique. Un saut rapide dans notre époque qui présente une nouvelle façon de concevoir et de contempler une œuvre d’art. La spécialiste du marché de l’art numérique reconnaît que même s’il y eu « quelques réfractaires, le retour est globalement positif. Cette exposition a fait venir un public qui s’intéresse aux nouvelles technologies alors qu’il n’aurait jamais mis les pieds dans un musée sans l’existence de ce projet. Le musée a pu attirer un nouveau public plus jeune ». Seul musée français à disposer d’un portefeuille de NFT, le Musée Granet peut désormais se vanter d’être le premier à avoir fait le bon pari. « L’art numérique ne cesse de se développer depuis les années 70, il s’inscrit inévitablement dans l’histoire de l’art même si ça n’empêche pas la peinture ni la sculpture d’exister ».
Tessa Jupon