Le procès de l’attentat du 14 juillet à Nice s’est ouvert le lundi 5 septembre 2022. Durant l’audience, de nombreux intervenants et de nombreuses victimes doivent témoigner. C’est le cas de Bastian Huber, 34 ans, sapeur-pompier professionnel à Cannes. Il a accepté de répondre à nos questions.
Le 14 juillet 2016 était synonyme de fête et de joie en famille, jusqu’à ce qu’un chauffeur de camion, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, fonce sur la foule au beau milieu de la Promenade des Anglais. L’acte d’une brutalité inouïe a entrainé la mort de plus de 80 personnes et fait 480 blessés. Bastian Huber a assisté à l’horreur de cette nuit.
Êtes-vous intervenu pendant l’attentat du 14 juillet ?
« Ce soir là, j’étais de garde au sein de ma caserne à Cannes, en premier départ, c’est-à-dire que j’étais affecté à la première ambulance qui devait partir. Lorsque le bip a sonné, on nous a envoyés à Nice pour ce qui semblait être un accident. C’est uniquement sur le trajet que nous avons appris que c’était un attentat. Plus on approchait de la Promenade, plus le silence s’installait. »
Quelle est l’image la plus marquante que vous gardez en tête ?
« N’ayant aucune information complémentaire, nous avons décidé de nous engager sur la Promenade pour aider le plus grand nombre de blessés… L’ambulance slalomait entre les corps pour arriver au cœur du sinistre. Une femme s’est jetée sur le capot de l’ambulance. Elle s’est approchée de ma portière et m’a expliqué qu’elle cherchait sa fille qui avait disparu en contrebas de la Promenade des Anglais. Son mari est arrivé quelques instant après. Il était très calme et a expliqué qu’il n’y avait plus à rien faire. Tout le monde criait, c’était une panique générale, nous avons laissé l’ambulance sur un coté de la Promenade pour aider les blessés, nos poches étaient remplies de garrots. »
Avez-vous constaté des carences pendant l’intervention ?
« Pour moi, c’est le manque de communication qui était le point noir de cette opération. Au moment des faits, il y avait une désinformation interservices sur les lieux. On n’avait aucun moyen de communiquer avec la Police, le Samu, les Pompiers… On entendait tout et n’importe quoi. Par exemple on nous affirmait qu’il y avait un homme qui tirait des coups de feu, ou alors qu’un homme était entré dans un endroit avec une bombe, or il n’en était rien. De plus, lorsque nous prenions des personnes en charge, nous ne savions pas où les emmener. La prise en charge et l’afflux massif de victimes ont été difficiles à gérer. Je comprends tout à fait la désorganisation dans un moment pareil, néanmoins je pense que c’est un point que l’on pourrait améliorer, celui des primo-intervenants. »
Avec le recul, que pouvez-vous nous dire des conséquences de cet attentat ?
« Malgré la préparation des pompiers au quotidien, on ne sera jamais vraiment prêts à la réalité du terrain avec ce genre d’horreur. Des RETEX (retours sur expérience) ont été faits, pour expliquer aux pompiers qui n’étaient pas présents comment les interventions sur la Promenade s’étaient déroulées. Depuis, au niveau routier j’ai pu constater le renforcement sur tout le littoral par la présence de plots hydrauliques en béton et la mise en place de grosses jardinières… du moins c’est ce que j’ai remarqué. »
India Reix
Les RETEX et l’évolution de mesures de protection permettent désormais de mieux appréhender des attentats à venir. Les pompiers ont effectué un travail titanesque en cette nuit du 14 juillet 2016, ils sont eux aussi en partie victimes de cet acte, des cellules psychologiques ont été mises en place pour les aider.