Les premières fraîcheurs automnales et les manteaux auraient pu emporter avec elles une polémique régulièrement mise sur le devant de l’actualité avant de s’évaporer aussi tôt. Mais aujourd’hui, le mal semble plus profond.
« On vient à l’école habillé d’une façon républicaine ». Destinée à l’origine à de jeunes étudiants, cette petite phrase de Jean-Michel Blanquer sur les ondes de RTL le 21 septembre dernier a vu son public d’origine perdre le monopole du droit de réponse, dérobé par des opposants politiques friands de faire enfler la polémique.
L’institut IFOP pour le journal Marianne publie le 29 septembre un sondage intitulé : Qu’est-ce qu’une « tenue correcte » au lycée ? Quelques deux milles Français sont donc invités à commenter les tenues de jeunes filles, allant du « no bra » (sans soutiens-gorge), au crop-top (t-shirt laissant apparaître le nombril) et aux lanières apparentes du soutiens-gorge. Un sondage largement critiqué par les féministes et une frange de la caste politique, Ségolène Royale le qualifiant d’un « questionnaire affligeant de bêtise et de sexisme », Jean-Luc Mélenchon allant jusqu’à parler d’un « effet miroir contre la liberté des femmes ». Du côté des principales intéressées, l’indignation demeure toute aussi grande. Devant le lycée public Vauvenargues à Aix-en-Provence, cette histoire fait encore jaser. Jeudi, point de crop-top et de shorts à l’horizon. La pluie annoncée par la météo est l’occasion de revêtir les nouveaux manteaux. Pour autant, l’esprit des jeunes filles demeure brûlant. Au milieu d’un petit groupe, Marie, terminale vêtue d’un jean t-shirt des plus sobre, lance la première pique. « Je trouve ça révoltant de sexualiser des mineurs », argue-t-elle. « Les résultats du sondage et les photos utilisées pour l’illustrer sont ridicules, et puis, si on voit des bretelles de soutien-gorge pendant la canicule, je ne vois pas en quoi ça dérange des gens qui ne sont pas des lycéens ». Une jeune fille, jupe aux genoux, relance : « Quand tu vois que des filles se prennent des sanctions pour des shorts aussi long que ceux de mecs tandis qu’eux ne prennent rien, ce n’est pas normal ! ». Des hochements de tête silencieux semblent confirmer la prise de parole engagée de la jeune fille.
Côté enseignants, l’on se veut plus mesuré. Une directrice d’établissement scolaire marseillais , très attentive aux revendications récentes, explique : « Les mouvements des filles et femmes ces derniers jours, qui luttent pour leur liberté de se vêtir comme elles souhaitent sans qu’on leur porte un jugement, sont légitimes. », avant de préciser. « Pour ma part, une tenue adaptée à chaque activité de la vie me semble juste: un crop-top au collège ou lycée, c’est non, pour le loisir ou le sport en revanche, c’est bien évidemment oui ». Soucieuse, celle qui est aussi mère d’élève souhaite que l’école conserve une certaine neutralité. « Je suis assez d’accord avec le fait que l’on ne doit pas juger les apparences , mais la société veut que l’on respecte des codes de civisme en ce qui concerne les vêtements ».
L’uniforme, fausse bonne idée ?
Ce débat récurrent sur la tenue scolaire à l’école fait rapidement rejaillir le spectre de l’uniforme. Inspiré par nos voisins anglo-saxons, où il est imposé dans 99% des écoles publiques, le but premier est de de retirer toutes les marques sociales et les inégalités sociales entre les élèves. Dans ce sillage, l’Institut BVA pour RTL rapporte ainsi, le 25 septembre, que 63% des Français sont favorables au port de l’uniforme à l’école. Une solution pour sonner la fin des revendications sur le libre choix des tenues des adolescents ? Pour certains, cette stratégie peine à convaincre. Laureen Piddiu, journaliste engagée sur les questions de luttes sociales pour le journal La Marseillaise, pointe l’absence d’équité de ces démarches. « Bien sûr qu’il faut que les jeunes apprennent à s’habiller de façon professionnelle pour leur vie future. Mais ces règles discriminent toujours les filles. Il faut que cela cesse », s’exclame-t-elle, avant de pointer une hypocrisie certaine des partisans du retour à l’uniforme. « Peut-on me rappeler ce qu’est un uniforme pour une fille ? Une jupe. Cette fois-ci ce ne serait pas trop court ? Non, ce serait convenable ? C’est tout simplement ridicule ».
Devant le lycée Vauvenargues, l’évocation du seul mot uniforme fait même frémir les plus courageux. Trop attachés au « jean-basket », « anti-cravates », « pas de personnalité », « on meurt de chaud avec », chacun y va de sa petite analyse. « C’est la fin du style » clame-même une étudiante à la volée, pour essayer d’entériner un débat qui n’a pas fini de faire jaser.
Léo Khozian